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TCHALA LE LIVRE DES RÊVES HAÏTIEN ____ ERWAN SOUMHI Borlette Loterie haïtienne TchalaDictionnaire qui permet aux joueurs de Borlette de traduire leurs rêves en chiffre à jouer
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Port-au-Prince , HaïtiLe 10 décembre 2015[...]Je me laisse souvent dériver dans le ventre de Port-au Prince à larecherche entre autre du “premier tchala”.Cette recherche est en fait un prétexte, Je suis en train de lecomprendre. Elle devient une raison à ma présence, un cadre àl’interaction et la discution, une histoire ouverte et un état initial demon auto-narration. La suite en découle. Chaque rencontre peutpotentielement changer ma trajectoire de dérives.J’ai remarqué que l’idée du premier tchala evoque des choses auxhabitué de la borlette et aux vendeurs de livre. D’autre choses augérant de bureau de jeux et aux vodouïsant, et encore d’autre àla forte communauté franc maçonique établie historiquement surplace. L’idée d’un état initial, d’une forme première à ce livre inspireautomatiquement l’intêret et la curiosité. Car la première versionest forcément plus proche de la vérité que les versions actuelles,réduite par le temps. Il y a donc un enjeux à l’existence de ce livrepour beaucoup de gens sur place.J’ai décidé d’approfondir, dans les jours qui viennent, ces typesprotocolaires de recherches fictionnalisants tournés vers “l’autre” etle “dialogue”. Je vais chercher à les interconnecter par la photog-raphie, la vidéo, le son, l’écriture, l’objet, tous ce qui est possible.J’utiliserai le plus approprié en fonction de la situation et je garderaitrace de tous cela.J’Intégrerai petit à petit les différentes découvertes, prises de con-sciences, rencontres fortuites, témoignages receuillis, objets intri-gants, lieux particulier ou personnages marquant ... Je suis deve-nue ami avec André Breton ou du moins sa réincarnation et demainje vais rencontrer un Vampire. Rien que ça.Je remonte le fil de quelque chose... Carnet de voyage Erwan Soumhi
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INTRODUCTIONAu cours de mon dernier séjour à Port-au-Prince je me suis rendu compte de la profon-deur des éléments qu’invoquent La borlette et le tchala autant que de la réalité qu’ilsrévèlent. Ce jeu de hasard structure la vie de bien des personne là-bas car c’est unphénomène majeur et générationnel ou jouer relève moins de l’amusement que d’uneforme de nécessité.La borlette témoigne à sa façon d’une situation économique et sociale extrême-ment difficile. Elle semble être le dernier espoir d’une survie meilleure pour nombred’haïtiens démunis. Certains se retrouvent réduits fatalement à devoir remettre leursdestins et leurs espoirs entre les mains du hasard souverain. Comme dans une boursedes rêves, ils investissent sur l’imaginaire.J’ai été marqué par l’importance des rêves du joueur et de leurs interprétations dans lamécanique du jeu. Et aussi par le rapport au langage codé et aux chiffres symboliquesque le tchala, en tant que dictionnaire, articule, dévoile et décline. Ces deux élémentsm’ont révélé ainsi le rôle que joue dans l’interprétation des rêves les esprits vaudou,les superstitions ésotériques, les signes du monde invisible, les figures mythiques ethéroïques, les épisodes historiques douloureux ou heureux, les figures religieuses, lescroyances populaires, la magie quotidienne sous-jacente au réel commun, l’anodin quine l’est pas ...D’une certaine façon, tout cela transparait dans les mots et les nombres qui composentle tchala. L’idée de cette étrange ouvrage m’évoque une sorte de code secret, langagenumérologique, qui dévoile l’inconscient identitaire collectif haïtien, un monde immaté-riel régi par les figures Vaudou : Lwa, Hougan, Mambo, Vévé ...Pour déjouer le hasard et tomber sur le tirage gagnent, le joueur de borlette réinvestitjour après jour ses rêves, son inconscient, ses références traditionnelles, spirituelles,historiques, ses croyances magiques et religieuses, son imaginaire.Ici se joue la connaissance, et donc la survivance de ce qui constitue une identitéculturelle et spirituelle. D’une certaine manière, je ne peux m’empêcher de penserque la borlette telle qu’elle est, relève ou participe du même processus de résistanceque le lakou, le vaudou et la langue créole. Une résistance qui n’est plus opposée àl’esclavagisme (même moderne) mais plutôt au désespoir en tant que tel.D’une autre manière, on peut dire que la borlette est peut-être une invention de dernierrecours (apparition récente) pour se protéger d’un chaos complet qu’entrainerait laperte totale d’espoir en des lendemains plus heureux. Mais la question serait de savoirsi la façon dont on se protège d’un mal ne peut pas être source de ce mal ? Car sansgarde fou, l’esotérisme peut faire basculé dans l’obscurité.
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Et il est indéniable que l’esclavagisme et le commerce triangulaire de l’afrique vers lescaraïbes a produit une rupture net dans le transfert des savoirs sprituels ancestraux.Les vieux sages n’était pas de bon esclave et le métissage des croyances, l’absencede repères, la violence et l’oppréssion des blanc à aussi contribuer à fasconné l’espritVaudoo d’Haïti qui possède aussi intrasèquement une face trés sombre.Le joueur risque donc son argent et a plus de chance de perdre que de gagner.Il nourrit par son besoin d’espoir un marché très lucratif pour certaines personnes quiont su en tirer profit. Avec tout ce que cela peut comporter de dérives dangereuses :Escroquerie, spirale de la dette, violences , asservissement aux marchands, addictionau jeu. Mais aussi de dérives ou souffrance psychologique. Confusion profonde dansle rapport entretenue avec la réalité qui se cristalise souvent autour d’une obsessionpour les signes Vaudoo et l’invisible.Il ne faut pas oublié que les outres mondes , les réalités subtiles, l’invisible et l’esotérismevaudoo peuvent être des térritoires dangereux pour le non initié, l’apprentit solitaire oule voyageur entouré des mauvais guide.
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LE RÊVELes recherches que je mène s’articule autour du Tchala et de la Borlette. L’idée initialest d’expérimenter sur place un renversement du rapport au hasard. En inversant lesens de jeux de la borlette. En y jouant ... comme en miroir.Pour cela j’ai imaginer d’utiliser le tchala dans le sens inverse, pour traduire les chif-fres des tirages que le hasard produit chaque soir en élément que je considerai alorscomme de l’ordre du rêve. C’est une tentative de transmuter la sentence du destin enune potentiel poésie à la frontière du rêve et de la réalité.Port-au-Prince possède une résonnance universelle quand on la regarde à traversle bon prisme. De la même façon que kinshasa, ces dystopies concrètes abritent àmon sens des laboratoires de nouvelles forme de consciences du monde. Bonne oumauvaise ? Cela est une question. Le travail débuté il y a quelques mois a consisté àenclencher le processus de recherche.L’enjeu est dans un premier temps d’approfondir les recherches précédemmentdécrites et dans un deuxième temps, d’articuler la matière ainsi générée au sein d’uneforme cohérente que j’apelle “Le rêve”.
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Ci dessus - 3 double pages extraites d’une version d’un tchala trouvé à Port au Prince
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« J’appartiens à un pays vertigineuxoù la loterie est une part essentielle du réel » J.L. Borges, Fictions, 1991 ________________